«Le Curateur public nivelle par le bas et ce sont les personnes qui écopent!» -Doris Provencher, directrice générale AGIDD-SMQ
Considérant que la réforme envisagée au Curateur public porte atteinte aux droits des personnes les plus démunies de notre société, un organisme national de défense collective des droits en santé mentale tire la sonnette d’alarme et lance une campagne visant le retrait du projet de loi 96.
«Ce que propose le Curateur est une atteinte profonde aux droits des personnes sous régime de protection, en plus d’ouvrir la porte au démantèlement de cette institution. La lutte à l’austérité chez le Curateur public se fait sur le dos des plus démunis de notre société, voilà qui est carrément honteux! J’aimerais voir le Curateur public, Me Normand Jutras, travailler à renforcer le filet de protection des personnes, non pas à l’affaiblir», s’offusque Doris Provencher, directrice générale de l’Association des groupes d’intervention en défense des droits en santé mentale (AGIDD-SMQ), tout en rappelant que le tiers des personnes sous régime de protection publique vit un problème de santé mentale.
Dans le Livre blanc ayant précédé le projet de loi 96, on apprenait que le vieillissement de la population conjugué aux «mesures d’austérité budgétaire» aurait poussé le Curateur public du Québec «à la limite de ses capacités». Des scénarios de privatisation et de réduction des services y étaient exposés.
Ces scénarios catastrophes se sont matérialisés dans le projet de loi 96 qui perce une série de trous dans le filet de protection des personnes sous curatelle et sous tutelle. «Ce projet de loi, c’est un nivellement par le bas! Depuis plusieurs années, nous sommes témoins de plusieurs problèmes vécus par les personnes sous régime de protection. Les personnes écopent déjà, on peut donc s’attendre au pire si le projet de loi est adopté», s’inquiète Mme Provencher.
Dans son mémoire ayant pour titre «La réforme du Curateur public : Un projet d’indignité humaine!», l’AGIDD-SMQ demande le retrait du projet de loi pour trois raisons principales.
«En plus d’engendrer une perte importante et inacceptable des droits des personnes sous régime de protection, le PL96 promeut une vision réductrice du rôle du Curateur public et ouvre une brèche au démantèlement de cette institution. Également, on dénote la volonté de délester des responsabilités du Curateur public du Québec aux proches, parents et entourage de la personne», d’expliquer Mme Provencher.
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Exemples de réduction des mécanismes de protection
- À l’heure actuelle, pour qu’un régime de protection soit ouvert pour une personne présumée inapte, un conseil de tutelle doit être mis en place et se réunir en la présence obligatoire de 5 personnes (parents, alliés, amis). L’objectif est que la personne à protéger ait plusieurs alliés qui veillent à son meilleur intérêt. Or, le projet de loi 96 sabre cette obligation ouvrant ainsi la porte à des abus puisqu’un conseil de tutelle pourrait ainsi se tenir en présence d’une seule personne.
- Présentement, une personne jugée inapte est réévaluée après trois ans (tutelle) et cinq ans (curatelle), puisque sa situation pourrait changer au fil du temps. Après tout, l’inaptitude n’est pas une «sentence» à vie. Cette obligation aux trois et cinq ans est une mesure de protection valorisant l’autonomie de la personne et sa dignité. Or, le projet de loi 96 parle de délais ne pouvant excéder 10 ans, et ce, que la personne soit sous tutelle ou curatelle. De plus, après la 1re évaluation, dont le tribunal fixe la date dès l’ouverture du régime, c’est la personne qui procède à l’évaluation qui décidera quand aura lieu la seconde évaluation. Dans les faits, cela signifie qu’une personne pourrait être 20 ans sous un régime de protection en ayant eu une seule évaluation médicale, 10 ans après l’ouverture du régime.
- Si le projet de loi 96 est adopté, le tuteur ou curateur d’une personne ne serait plus tenu de transmettre une reddition de compte si la valeur du patrimoine qu’il administre est inférieure à 25 000$. En d’autres termes, les personnes qui valent moins sont moins protégées contre les abus.
Mémoire «La réforme du Curateur public : Un projet d’indignité humaine»