L’AGIDD-SMQ annonce officiellement le départ de sa mobilisation nationale concernant la réflexion sur l’application de la Loi d’exception P-38.001!
Au mois de mai 2023, le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, a mandaté l’Institut québécois de réforme du droit et de la justice (IQRDJ) pour coordonner une réflexion sur l’application de la Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui (surnommée P-38) qui encadre la garde en établissement.
La garde en établissement est régie par une loi d’exception qui permet de priver une personne de son droit à la liberté, en ordonnant son hébergement dans un hôpital en vue d’une évaluation psychiatrique ou à la suite d’une évaluation psychiatrique.
Un seul critère entre en ligne de compte lors d’une telle décision : le fait que l’on considère que son état mental présente un danger pour elle-même ou pour autrui. On parle d’hospitalisation forcée ou involontaire.
Pour plus d'informations sur la garde en établissement,
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C’est au début des années 1960, avec la Révolution tranquille, que l’on assiste à une rupture. À cette époque, les mouvements sociaux y vont de différentes revendications. Dans le champ de la psychiatrie, un certain nombre de dénonciations publiques (l’ouvrage Les fous crient au secours, la critique des centrales syndicales et des corporations professionnelles) conduisent à une série d’enquêtes qui ont mené à une transformation des services.
C'est en 1972 qu’apparaît la première loi sur la protection du « malade mental ». Cette loi, qui marque le passage d’une visée d’exclusion à une visée de protection, introduit dans la législation des règles strictes concernant l’hospitalisation involontaire. Cette loi permettait d’interner contre son gré une personne dangereuse pour elle-même ou pour autrui. Cette personne était mise en « cure fermée » dans un établissement du réseau de la santé et des services sociaux.
Or, la Loi sur la protection du malade mental ne fournit aucune définition de la dangerosité. Ainsi, une personne pouvait se retrouver en cure fermée sur la base de critères tout à fait arbitraires. Vers la fin des années 1970, bon nombre d’organismes revendiquent que la Loi soit réexaminée afin de favoriser un plus grand respect des droits des personnes.
C’est en février 1996 que le ministre de la Santé et des Services sociaux, M. Jean Rochon, dépose le projet de loi 39 ayant pour titre initial Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale et modifiant diverses dispositions législatives.
En prévision des travaux parlementaires entourant le projet de loi 39, l’AGIDD-SMQ organise une vaste tournée de formation et de consultation à laquelle participeront plus de 700 personnes vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale. C’est sur la base des commentaires reçus des personnes utilisatrices de services en santé mentale que l’Association rédige son mémoire. En commission parlementaire, l’AGIDD-SMQ critique et remet en question bon nombre d’éléments du projet de loi 39, tout en reconnaissant certaines avancées au niveau des droits.
La Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui, adoptée le 17 décembre 1997, est entrée en vigueur le 1er juin 1998. Il est à noter que le titre final de la loi fait désormais référence à l’état mental d’une personne plutôt qu’à la présence d'une maladie mentale.
Au moment de son adoption, certaines dispositions de la
Loi sur la protection des personnes laissaient présager des avancées au niveau des droits. Malheureusement, force est de constater qu’il n’en est rien, les droits des personnes étant encore bafoués à plusieurs égards comme l’observent l’AGIDD-SMQ, ses groupes membres, d’autres organismes œuvrant auprès des personnes vivant un problème de santé mentale, ainsi que le Protecteur du citoyen. En effet, l’application inadéquate, voire illégale, de cette loi porte atteinte aux droits et libertés des personnes vivant un problème de santé mentale.
Voici les dérapages que l'AGIDD-SMQ a pu constater entourant la mise sous garde des personnes:
- La nature exceptionnelle de la garde en établissement n’est pas respectée;
- La notion de dangerosité n’est pas interprétée de manière restrictive;
- Les droits à la représentation et à l’information sont brimés;
- Le droit au consentement libre et éclairé aux soins est contourné.
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Dans la dernière année, plusieurs événements tragiques, comme ceux d'Amqui et de Louiseville, reçoivent une couverture médiatique faisant l'association fallacieuse entre violence et santé mentale. L'AGIDD-SMQ interpelle ainsi la population, l'État et les médias à ne pas confondre la violence et la santé mentale. En plus de créer une panique morale dangereuse à l'égard de personnes déjà marginalisées et vulnérabilisées, cet amalgame stigmatisant est, pour nous, un précurseur à l'annonce du ministre Lionel Carmant relative à l'ouverture de la réflexion sur l'application de la P-38.
Les personnes vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale ont les mêmes droits que tout.e.s les citoyen.ne.s. Ainsi, lorsqu'on parle d'altérer les droits des personnes vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale, ça touche tout le monde. Si le modèle judiciaire québécois actuel fait la distinction entre les divers mécanismes d'exception, l'AGIDD-SMQ craint toutefois que les suites du travail mené par l'IQRDJ conduisent à lier les processus judiciaires, ce qui mènerait à un recul au niveau des droits à la liberté et au consentement.
Les autorisations judiciaires de soins sont un mécanisme d'exception qui retire à court, moyen ou long terme le droit de consentement aux soins d'une personne. Pour ce faire, cette dernière doit refuser catégoriquement les soins proposés et être jugée inapte à consentir devant la loi. Si la garde en établissement retire quant à elle temporairement le droit à la liberté, le modèle québécois sépare ces deux mécanismes d'exception qui ont un processus distinct. Autrement dit, ce n'est pas parce qu'une personne est en garde en établissement qu'elle perd ses autres droits. C'est la même chose pour les autorisations judiciaires de soin.
Le modèle ontarien, lui, joint la garde en établissement et l'autorisation judiciaire de soins en un seul et même processus. Or, ce serait devant le même tribunal qu'une personne pourrait se voir retirer sa liberté et son consentement aux soins. En ce moment, nous savons que le ministre responsable des Services sociaux ainsi que l'Association des médecins psychiatres du Québec (AMPQ) sont favorables à ce changement. Il serait désastreux pour l'AGIDD-SMQ qu'un tel recul au niveau des droits se produise. Nous voyons dans ce virage un retour aux pratiques asilaires traitant les personnes vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale comme faisant partie d'une seconde classe de citoyen.ne.s.
- Que le gouvernement du Québec mette en place un plan d’action pour réduire le recours aux mécanismes d’exception, incluant la mise en place de comités de surveillances locaux et régionaux visant à s’assurer du suivi du plan d’action;
- Que le Ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) applique le Cadre de référence en matière d’application de la Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui – Garde en établissement de santé et de services sociaux publié en 2018;
- Que des centres de crises soient créés partout au Québec, afin de réduire l'application des mécanismes d'exception;
- Que le MSSS s'engage à créer des alternatives aux mécanismes d'exception qui sont proposées par les personnes vivant ou ayant vécu des problèmes de santé mentale et les organismes communautaires partout au Québec;
- Que le MSSS finance des initiatives communautaires qui donnent une place prépondérante aux personnes vivant et ayant vécu un problème de santé mentale et de leurs droits;
- Que le MSSS mette à profit l'expertise des groupes de promotion et de défense des droits régionaux, afin de d'informer, d'accompagner et de conseiller les personnes dont leurs droits sont lésés, dans un processus visant à éliminer les applications illégales des mécanismes d'exception.
Interpelle le Ministre Carmant!
Pour interpeller le Ministre Lionel Carmant et le Premier ministre François Legault par courriel, cliquez ici.
Rejoins la mobilisation!
En plus de participer à notre action devant l’Assemblée nationale et d’envoyer un courriel au minisitre Carmant, il existe plusieurs autres moyens accessibles pour rejoindre notre Mobilisation nationale sur la P-38: Touche pas à nos droits!
Affichez les outils ci-dessus dans vos groupes ou sur vos réseaux sociaux en utilisant le mot-clic #touchepasànosdroits
Téléchargez les deux modèles de couverture Facebook:
- Téléchargez la signature de courriel en format rectangulaire en cliquant ici.
- Téléchargez la signature de courriel en format carré en cliquant ici.
Téléchargez le logo pour la mobilisation à l'assemblée nationale du 13 novembre en
cliquant ici.
Dépôt des mémoires
L’AGIDD-SMQ et ReprésentACTION smQ ont déposé des mémoires à l’IQRDJ dans le cadre de la réflexion sur l’application de la Loi P-38.001. Ces derniers expliquent d’un point de vue critique le contexte dans lequel s’inscrit cette loi d’exception, décrivent ses dérives, les bavures de son application et la parole des personnes qui l’ont subi, à l’issue des consultations sur le sujet.
- Pour consulter le mémoire de l’AGIDD-SMQ, c’est ici;
- Pour consulter le mémoire de ReprésentACTION smQ, c’est ici.
Rassemblement à l’Assemblée nationale
L’Association des groupes d’intervention en défense des droits en santé mentale du Québec (AGIDD-SMQ), ses membres et des personnes premières concernées ont tenu un rassemblement devant l’Assemblée nationale à Québec le 13 novembre dernier.
Plus de 100 personnes provenant de toutes les régions du Québec dont l’Estrie, Laval, Montérégie, Outaouais, Laurentides, Lanaudière, Bas-St-Laurent, Québec, Chaudière Appalaches, et Montréal étaient rassemblés devant l’Assemblée nationale le 13 novembre dernier, sous le thème « Touche pas à nos droits! »
Pour consulter le communiqué de presse à cet effet, c’est ici.